top of page

L'enfance: de la représentation des enfants à une dénonciation de l'impérialisme culturel

Dernière mise à jour : 9 août 2022

Tout adulte fut enfant un jour. Cependant, l’universalité du sujet n’exclut pas, bien au contraire, la relativité des représentations. Le sens du mot enfance a d'ailleurs évolué, et évolue toujours, selon les époques, les milieux sociaux et les systèmes de pensée ; même les frontières entre les différentes périodes de l’enfance sont poreuses et variables. De tous temps, de nombreux artistes ont abordé dans leur travail la relation à l’enfance. Aujourd'hui, les artistes contemporains reformulent, ré-interprètent et questionnent l’innocence de l’enfance dans une société perçue parfois comme de plus en plus infantilisante.


À Travers leurs œuvres Armand Boua, Saint-Etienne Yeanzi, Wandy Cabrera Rubio et Victor Castillo, interrogent l’enfance, ses rêves, ses jeux et sa part d’ombre.

© Armand Boua, Les fistons du Djassa I, acrylique et goudron sur papier carton, 115 x 107 cm, 2016

Armand Boua est un artiste ivoirien peignant sur sur des planches en carton. Il utilise le goudron et l’acrylique pour refléter la vie dans les rues de sa ville natale : Abidjan. Ses œuvres parlent de la condition humaine et plus précisément des enfants des rues d’Abidjan. Les cartons, qu’il utilise comme support, ont été parfois ramassés à même le sol dans la rue. Dans ses œuvres, les couches de peintures sont ensuite déchirées et grattée pour faire apparaître des formes. La brutalité de cette technique représente symboliquement la violence qui sévit dans les rues. La douceur des scènes contraste fortement avec la technique. Armand Boua donne à voir des scènes quotidiennes empreintes de joies et de poésie. Cela lui permet de rendre une part d’innocence à ces enfants.

© Saint-Etienne Yéanzi, Série Colloquium, 2019

Autre artiste venant de Côte d’Ivoire, Saint-Etienne Yéanzi est un artiste peintre associant peinture et photographie dans ses œuvres. La question du rapport de l’individu avec sa propre identité est au coeur de son travail. Les enfants tiennent une place de premier rang dans cette réflexion car ils reflètent les messages que la société leur envoie. Saint-Étienne Yéanzi se démarque également par une technique singulière : il fait fondre du plastique provenant d’objets trouvés dans la rue, qu’il dispose sur la toile. Il crée ainsi des portraits au goutte à goutte dont le rendu est différent de près et de loin nécessitant que le spectateur recompose l’image. Cet exercice de reconstruction du tableau fait écho à la définition de l’identité comme un processus, une recherche en perpétuelle évolution. La thématique environnementale apparaît en toile de fond avec l’usage du plastique. Elle rejoint celle de l’identité autour de la question : « quel monde allons-nous laisser aux enfants ? ». La notion de transmission prend alors tout son sens : un héritage psychique, sociétal, environnemental et symbolique. Saint-Etienne Yéanzi reste optimiste, il ne s’agit pas d’une quête solitaire, bien au contraire, comme en témoignent les portraits de groupe.


Direction l’Amérique latine maintenant pour découvrir le travail de l’artiste mexicaine Wendy Cabrera Rubio. Elle questionne à travers ses œuvres

© Wendy Cabrera Rubio, installation "How to make a painting behave like a landscape", Museo Jumex, Mexico city, 2020

la frontière entre l’image et l’objet, ainsi qu’entre la narration et l’action. Elle explore ainsi les mécanismes à l’oeuvre entre esthétique et idéologie dans la production et la distribution des images. Elle utilise divers objets issus ou rappelant les films d’animation ou les dessins animés pour étudier et questionner la culture de masse. Grâce à un processus qui inclut collaboration interdisciplinaires, réécritures et travail d’archives, elle aborde des thèmes engagés tels que la biotechnologie, le projet panaméricain (créer des liens entre les cultures d’Amérique du Nord, d’Amérique centrale et d’Amérique du Sud) ou la résurgence de l’extrême-droite. Réinventant les modèles et les images destinés aux enfants, elle caricature la culture de masse pour inviter le spectateur à prendre du recul et à questionner l’idéologie qui se cache derrière et qu’on lui transmet de manière diffuse depuis sa plus tendre enfance. Il ne faut donc pas se laisser avoir par l’aspect ludique et candide des oeuvres de Wendy Cabrera Rubio, car elles n’ont rien d’innocent.

© Victor Castillo, The magic spell of the Bell, 2019

Artiste chilien pluridisciplinaire, Victor Castillo pratique le dessin, la peinture et réalise des installations multimédia. Il puise lui aussi dans le répertoire populaire de la culture de masse pour explorer les dimensions cachées des contes pour enfants. Son style rappelle les bandes dessinées qu’il lit depuis son enfance, mais fait aussi référence au graffiti et aux peintures des maîtres anciens. Ce mélange d’influence et de style fait écho à sa démarche artistique. Il modifie l’esthétique des dessins animés et des contes pour construire de nouvelles histoires où la violence et la cruauté prédominent. Il dénonce ainsi l’importation du contenu culturel des États-Unis, qu’il consommait enfant, contenu soutenant parfois les dictatures et les coups d’état militaire en Amérique du Sud. Les œuvres de Victor Castillo sont donc une critique de l’impérialisme américain et des effets de l’utilisation politique des dessins animés projetant une image déformée de la réalité.


Venant d'horizon divers, tous ces artistes ont en commun de faire appel au vocabulaire plastique et/ou visuel de l'enfance pour aborder des sujets de société profonds. Résoluement tournés vers l'avenir et la question de l'héritage que l'on laisse, ces quatre artistes abordent l'enfance dans toute sa complexité, loin des images d'Épinal et d'un idéalisme naïf.


Cindy Olohou

Posts récents

Voir tout
bottom of page